Accueil A la une Economie verte | Valorisation des déchets : L’industrie du recyclage mise en veilleuse

Economie verte | Valorisation des déchets : L’industrie du recyclage mise en veilleuse

Bien que la Tunisie compte à son actif des expériences réussies qui ont fait mouche dans le domaine de la gestion des déchets, notamment plastiques, grâce particulièrement à la mise en place dans les années 90 du système « Ecolef », l’industrie du recyclage peine toujours à décoller.

La quantité des déchets recyclés, en Tunisie, ne dépasse pas les 4% du total des détritus ménagers produits chaque année. En effet, sur une production nationale annuelle estimée à 2,3 millions de tonnes, seuls 1,4 million de tonnes de déchets sont collectées dans 10 décharges contrôlées à travers le pays. Quant aux décharges sauvages, elles engloutissent 21%, tandis que les déchets compostés représentent 5% seulement du total des déchets ménagers produits.

Ces chiffres mettent en évidence la nécessité de développer une industrie de recyclage solide dotée de mécanismes bien huilés qui permettent d’atteindre les objectifs environnementaux de la Contribution déterminée au niveau national actualisée (CDN), en l’occurrence la réduction de 60% du taux de mise en décharge contrôlée d’ici à 2035. 

La nécessité impérieuse de miser sur une industrie aussi importante sur le plan environnemental que sur le plan économique — puisqu’elle contribue à la création de milliers d’emplois — s’explique également par le déclin des techniques de l’enfouissement qui, atteignant leurs limites, sont tombées, aujourd’hui, en désuétude.

Dès lors, il s’agit d’une alternative viable et efficace aux modalités actuelles de gestion de déchets, surtout dans un contexte où la création de nouvelles  décharges suscite de plus en plus l’agacement des riverains. 

L’Anged, cœur battant des systèmes de recyclage en Tunisie 

Selon l’expert en gestion des déchets, Walim Merdassi, l’absence d’une stratégie nationale claire dédiée à l’emballage est à l’origine des blocages au développement de l’industrie du recyclage en Tunisie. « Tant qu’il n’existe pas encore  de stratégie nationale claire dédiée au secteur de l’emballage qui permet d’identifier les quantités, la nature et la composition des emballages autorisées  et  donc qui imposent aux producteurs d’emballage le type de matériau à utiliser, cette filière péclotera toujours. Car l’emballage finit par être un déchet, mais s’il est 100% recyclable, le problème ne se pose pas », a-t-il souligné dans une déclaration à La Presse.

Il a ajouté que les autorisations administratives, les exigences en matière d’implantation pour les unités de recyclage (la réglementation tunisienne exige une implantation dans les zones industrielles alors que certaines régions n’en disposent pas) ainsi que la politique des prix pratiqués sont autant de verrous qui brident le potentiel de cette industrie naissante.

« A titre d’exemple, les acheteurs de carton recyclé ont provoqué une baisse artificielle des prix et n’achètent plus le carton, alors que plusieurs sociétés ont déjà collecté ce matériau recyclable. La société Afrec, qui est basée à El Mghira, n’est pas restée les bras croisés et a porté plainte parce qu’elle a collecté une quantité importante de carton qu’elle ne peut même pas exporter », a-t-il détaillé.

Merdassi a expliqué, dans ce même contexte, que l’industrie du recyclage en Tunisie est intimement liée aux systèmes de gestion de déchets  mis en place par l’Anged. « L’Etat identifie les déchets qui peuvent faire l’objet d’un système de recyclage. Il s’agit là de tout un système supervisé et subventionné par l’Anged, tel que Ecolef qui est dédié à l’emballage plastique (bouteilles, films et canettes) et qui permet à l’Etat de récupérer l’écotaxe imposée aux fabricants de packaging, cette même taxe servira par la suite à subventionner la filière. Ce système a fait que les bouteilles plastiques sont devenues une denrée rare, puisqu’elles sont vendues par les chiffonniers (barbechas) parfois à des prix  plus chers que ceux pratiqués au niveau de la bourse et l’Etat prend en charge la différence. « Ecolef » a été mis en place dans l’objectif d’encourager l’industrie du recyclage en Tunisie et c’est une expérience réussie », a expliqué l’expert. Malheureusement, d’autres types de déchets ne sont pas concernés par ce modèle unique de valorisation de déchets, et c’est ce qui fait que ces matériaux finissent par être enfouis.

C’est le cas des emballages «Tetra Pak» qui posent, aujourd’hui, un enjeu de taille en termes de recyclage, d’autant plus que la Tunisie figure parmi  les plus grands consommateurs de  paquets de lait, explique l’expert. « A ce jour, il n’existe pas de solution de recyclage spécifique à  ce genre de matériaux et l’Etat n’encourage pas sa collecte et du coup, on le voit partout », a commenté l’expert.

Il a, en ce sens,  rappelé qu’Ecolef est un exemple tunisien réussi et exceptionnel  qui a fait couler beaucoup d’encre dans le monde. Cependant, cette filière, qui a vu le jour depuis 20 ans, a besoin  aujourd’hui d’un nouveau souffle. Selon Merdassi,  ce système exemplaire  peut être généralisé pour inclure de nouveaux produits recyclables. « Il faut effectuer un inventaire des produits qui composent nos déchets pour identifier les produits non recyclables et les substituer par d’autres qui sont recyclables. La réglementation est aussi un volet important pour l’impulsion de l’industrie du recyclage : elle doit  couvrir toute la chaîne de valeur allant du transporteur jusqu’au recycleur. L’objectif étant non seulement de pérenniser les systèmes qui, existent mais aussi de  les améliorer », fait-il remarquer.

La Responsabilité élargie du producteur : une application prudente 

Interrogé sur le concept de la Responsabilité élargie du producteur, qui est actuellement en débat au niveau du département de l’environnement, Merdassi a indiqué qu’il s’agit d’un enjeu de taille pour la gestion des déchets en Tunisie. Toutefois, sa mise en place nécessite du temps et surtout une politique volontariste qui impose aux industriels les nouvelles réglementations qui lui sont relatives.

« Avec la REP, on va imposer, par exemple, à de grandes sociétés de fabrication de boissons de collecter les canettes qu’elles ont produites, je ne pense pas que, pour le moment, l’Etat est en mesure d’imposer aux producteurs de telles exigences. A mon sens, la REP doit être mise en œuvre en  plusieurs étapes », a-t-il précisé.

Et de soutenir : « Pour ce faire, il faut mettre en place un plan d’action détaillé et une feuille de route avec des délais précis qui comportent les mesures à entreprendre sous forme d’action ou d’assistance au secteur industriel. Cette démarche peut être appliquée progressivement soit par secteur, soit par type de produits, et ce, dans un souci d’efficacité, car beaucoup de pays ont adopté ce concept mais, malheureusement, ont trouvé des difficultés pour l’appliquer. Une évaluation des diverses expériences effectuées à l’échelle internationale semble être nécessaire ». 

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